La décarbonation des économies européennes nécessite d’aller à l’encontre de plusieurs siècles de développement économique reposant en grande partie sur l’abondance des ressources fossiles. Celles-ci ont laissé des marques presque indélébiles qui nous enferment dans un cycle qui va rapidement conduire au franchissement de nos limites planétaires et provoquer un réchauffement insoutenable. Pour sortir de ce cercle vicieux, il est nécessaire de transformer l’esprit industriel.
Une politique industrielle volontaire est une étape indépassable pour remettre notre économie dans le droit chemin. Parce qu’il faut soigner la dépendance de notre modèle économique actuel aux énergies fossiles, les seules forces du marché ne permettront pas d’aller assez rapidement, tandis que la taxation carbone semble impossible politiquement parlant. Cette politique industrielle doit se faire au niveau européen et permettre le développement, la mise à l’échelle et la diffusion des technologies qui nous permettront de continuer de prospérer tout en émettant radicalement moins d’émissions de gaz à effet de serre. Enfin, pour qu’elle soit acceptable, cette politique industrielle doit s’accompagner de cobénéfices clairs.
À travers des contributions d’experts de plusieurs disciplines, ce rapport donne plusieurs pistes afin de mettre en place concrètement cette politique.
Les 3 parties du rapport
Comment se donner les moyens pour diriger, institutionnaliser et financer une politique industrielle européenne ?
Comment développer, mettre à l’échelle et diffuser les technologies clés de la décarbonation ?
Comment accompagner la politique industrielle verte de cobénéfices ? Décarboner oui, mais pas seulement.
A travers 11 chapitres, des experts français et européens analysent les conditions de mise en œuvre d’une politique industrielle européenne, les leviers technologiques à mobiliser pour la décarbonation, ainsi que les effets sociaux et territoriaux de cette transformation. Leurs contributions explorent les enjeux de gouvernance, d’investissement, d’innovation et de cohésion, en s’appuyant sur des disciplines variées et des exemples concrets.
Ce rapport est dirigé par Cyprien Batut et Jonas Kaiser de l’Institut Avant-garde.
Partie 1 : Institutionnaliser une politique industrielle au niveau européen
Dans le chapitre 1, Pierre Alayrac et Antonin Thyrard analysent l’histoire de soixante ans de rapports européens sur la politique industrielle en tant qu’outils de légitimation, de coordination institutionnelle et de pilotage subtil des priorités économiques de l’Union.
Dans le chapitre 2, Olimpia Fontana et Simone Vannuccini rappellent qu’il ne pourra pas y avoir de stratégie industrielle européenne sans création de ressources fiscales communes.
Dans le chapitre 3, Max Krahé propose de refonder la souveraineté européenne autour de biens publics essentiels, en clarifiant les structures de décision pour permettre une politique industrielle plus intégrée, cohérente, et volontairement transactionnelle.
Dans le chapitre 4, Cyprien Batut et Jonas Kaiser plaident pour une contractualisation des subventions dans le champ de la politique industrielle afin d’en renforcer la transparence, l’efficacité, et l’acceptabilité.
Partie 2 : Quelle politique industrielle pour favoriser le développement des technologies de décarbonation sur le sol européen
Dans le chapitre 5, Paul Malliet appelle à dépasser une approche de la transition uniquement par l’innovation en combinant souveraineté économique, investissement massif et diplomatie climatique active.
Dans le chapitre 6, Antti Alaja explore la possibilité de la création d’une EU-ARPA pour stimuler l’innovation de rupture, tout en soulignant les obstacles politiques et budgétaires à une telle agence.
Dans le chapitre 7, Dimitri Zurstrassen analyse des épisodes passés de coopération européenne pour créer des champions européens.
Dans le chapitre 8, Madeleine Péron et Mathilde Dupré défendent un interventionnisme commercial stratégique pour préserver l’avance européenne dans les technologies propres.
Partie 3 : La politique industrielle et ses cobénéfices
Dans le chapitre 9, Léonard Bocquet analyse les effets de la transition verte sur l’emploi en identifiant, via une approche en réseau, les proximités entre métiers « bruns » et « verts » afin de cibler les reconversions et prévenir l’exclusion à cause de la transition.
Dans le chapitre 10, Louis-Samuel Pilcer et Anaïs Voy-Gillis alertent sur les risques d’aggravation des inégalités territoriales liés à la politique industrielle, et appellent à une coordination européenne renforcée dans ce domaine.
Dans le chapitre 11, Maëliss Gouchon souligne qu’un développement de l’économie circulaire doit accompagner une politique industrielle de décarbonation, mais que, au-delà de ses dimensions techniques, cela exige une refonte politique et sociale des modes de production et de consommation.
En conclusion, dans son après-propos, Pierre Charbonnier rappelle que les politiques industrielles vertes visent à rendre la transition écologique soutenable en créant des filières économiques et des emplois compatibles avec le climat. Mais elles peinent encore à constituer une majorité sociale, à accompagner les secteurs en déclin et à éviter les dérives géopolitiques.
Image : Max Ernst, Un tissu de mensonges, 1959, huile sur toile, 200 x 300 cm. Centre Pompidou.