Dans ce texte, Max Krahé explore les défis auxquels l’Union européenne du traité de Maastricht est confrontée. Initialement perçu comme un projet post-souverain axé sur l’intégration économique et la coopération interétatique, ce modèle a perdu sa légitimité face aux crises économiques, géopolitiques et démocratiques. Les réticences des États membres à céder des compétences stratégiques, combinées à une méfiance mutuelle et à l’absence d’une véritable sphère publique européenne, freinent les réformes nécessaires. Cependant, pour renforcer sa souveraineté externe, l’Europe doit clarifier ses structures décisionnelles internes et développer une politique industrielle coordonnée, tout en évitant les conflits d’intérêts entre États riches et pauvres. Une « union de souveraineté », limitée à la fourniture de biens publics essentiels et soutenue par des compromis transparents, pourrait réconcilier efficacité et cohésion, tout en répondant aux nouveaux défis géopolitiques et en posant les bases d’une gouvernance européenne adaptée au XXIᵉ siècle.
En 2009, Dieter Grimm, ancien juge à la Cour constitutionnelle allemande, observait : « Il semble douteux que l’objet englobé par le concept de souveraineté existe encore » (Grimm 2015, p. 4). Cette évaluation le plaçait en bonne compagnie : après la chute du Mur de Berlin, beaucoup espéraient que les aspects sombres de la souveraineté nationale – tels que le nationalisme, l’impérialisme ou la guerre – pourraient enfin être surmontés. Ne pourrait-on pas séparer les pouvoirs, encadrer les gouvernements et laisser la realpolitik derrière soi ? L’Union européenne du traité de Maastricht était largement perçue comme la pionnière d’un tel avenir « post-souverain » (Ruggie 1993 ; Linklater 1998 ; Keohane 2002 ; Zielonka 2006).
Cet avenir s’est estompé. Après l’annexion de la Crimée, le référendum sur le Brexit et l’élection de Donald Trump, l’élan confiant en faveur d’un ordre post-souverain a cédé la place à une quête renouvelée de souveraineté. Le président Macron a appelé à « rétablir une Europe souveraine, unie et démocratique ». [1] Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a évoqué « l’heure de la souveraineté européenne ». [2] La chancelière Merkel a déclaré : « L’époque où nous pouvions compter entièrement sur d’autres est révolue » (Meiritz et al. 2017).
Qu’il s’agisse des conclusions du Conseil européen [3], de la Boussole stratégique de l’UE pour la sécurité et la défense [4] ou de la nouvelle stratégie industrielle de l’Allemagne [5], les documents stratégiques officiels actuels appellent à davantage de souveraineté, et non à une post-souveraineté. Implicitement, ils abandonnent ainsi la vision globale et la grande stratégie au cœur de l’Union européenne de Maastricht.
Mais quelle vision devrait la remplacer ? Et dans la mesure où cette vision tourne autour de la souveraineté, comment pourrait-on renforcer concrètement la souveraineté européenne ?
Pour contribuer à répondre à ces questions, la première section de cet article propose une brève analyse historique et conceptuelle du concept de souveraineté. La deuxième section s’appuie sur cette analyse pour établir des liens entre la souveraineté externe et interne, c’est-à-dire entre la souveraineté en tant que pouvoir et autodétermination dans les affaires internationales, et la souveraineté en tant que lieu clair et légitime de prise de décision au niveau national.
L’argument central de cet article est que le renforcement de la souveraineté de l’Europe nécessite de dépasser l’Union européenne du traité de Maastricht. Cela devient évident dès que l’on considère conjointement la souveraineté externe et interne. La dernière section de l’article examine à quoi pourrait ressembler une telle approche en pratique et défend une politique de compromis transparents, en particulier dans le cadre d’une stratégie industrielle européenne.
- Comment en est-on arrivé là ?
Au cœur du concept moderne de souveraineté se trouve une prise de décision claire, légitime et délimitée territorialement ; une réponse à la question « qui décide ? » [6] (Bodin 1992 [1576]). L’émergence de l’État moderne en tant qu’organisation sociale dominante après le XVIᵉ siècle représente le triomphe pratique de cette idée (Philpott 2020).
Cependant, après des siècles de développements politiques et sociaux dans cette direction, l’histoire européenne récente a été marquée par un recul de la souveraineté ainsi définie. Au lieu de développer progressivement une souveraineté domestique au niveau européen, les États membres de l’UE ont opté pour une interdépendance régie par des règles communes, sans qu’un souverain clairement désigné ne soit chargé de les faire respecter, de les interpréter ou de les modifier.
- L’application des lois et réglementations de l’UE est en grande partie confiée aux autorités nationales des 27 États membres. Cela complique l’exécution des règles lorsqu’un État membre et son administration s’y opposent, comme le montre le cas hongrois. Malgré des éléments tels que le mécanisme de conditionnalité lié à l’État de droit, il reste incertain où réside la souveraineté en pratique.
- En ce qui concerne l’interprétation, il existe un consensus sur le fait que le droit européen prime sur le droit national. Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et diverses cours constitutionnelles nationales revendiquent toutes être les interprètes définitifs du droit européen et de ses limites (Karpenstein 2021 ; Danwitz 2022). Par conséquent, il n’est pas clair quelle interprétation est souveraine et définitive.
- Pour la modification des lois et réglementations de l’UE, le processus dépend du domaine politique concerné. Étant donné qu’un nombre inhabituellement élevé de règles économiques et financières sont inscrites directement dans les traités européens, c’est-à-dire à un niveau quasi-constitutionnel [7], leur modification nécessite souvent l’unanimité des États membres ainsi que des référendums nationaux. Dans de nombreux cas, cela signifie qu’aucun organe de décision final efficace n’existe pour mettre à jour ou réviser le droit (économique) de l’UE.
Dans l’ensemble, et malgré l’exception de la politique monétaire, le modèle européen des quarante dernières années – celui de l’Union européenne du traité de Maastricht – s’est écarté des grandes tendances du développement de la modernité étatique. En privilégiant les règles au détriment de la prise de décision, et une gouvernance fragmentée plutôt qu’un souverain légitime, il aspirait à un ordre post-souverain.
Certains ont critiqué l’Union européenne du traité de Maastricht pour sa prépondérance de l’intégration « négative » sur l’intégration « positive » [8], y voyant un manque de capacité à résoudre les problèmes ainsi qu’un déficit démocratique (Schmidt 2006, 2020). Selon cette interprétation, au lieu de répondre principalement à leurs électorats respectifs, les gouvernements des États membres se légitimaient de plus en plus en se référant mutuellement les uns aux autres (Bickerton 2012 ; Mair 2013). Cela a été décrit comme une intégration poursuivant des objectifs de marché plutôt que démocratiques, facilitant la concurrence fiscale au profit des riches (Saez & Zucman 2020), transformant des États-providence nationaux en des États-providence limités à une seule classe (Scharpf 1991), provoquant l’érosion des systèmes de partis traditionnels (Hopkin 2020) et aboutissant à une gestion macroéconomique sous-optimale des crises (Tooze 2018).
D’autres, en revanche, ont souligné que l’intention derrière ce modèle – surmonter l’arbitraire et la violence étatique – était transformative, voire historique (Keohane 2002 ; Leonard 2005). Selon cette interprétation, l’abandon de la souveraineté nationale par les États membres permettrait une réalisation plus efficace de la souveraineté populaire (Weiler 2003). Cet abandon était considéré comme un moyen plus efficace de satisfaire les aspirations des populations à la paix et à la prospérité, surtout là où les héritages de conflits historiques et d’oppression des minorités devaient être surmontés (Zielonka 2006). Dans cette perspective, l’Union européenne du traité de Maastricht servait de modèle régional pour un ordre international post-souverain, basé sur des règles (Ruggie 1993 ; Linklater 1998), c’est-à-dire comme une première étape vers une Paix perpétuelle kantienne (Kant 1795).
Sans trancher entre les deux interprétations précédemment exposées, il est désormais évident que le moment historique qui rendait l’interprétation post-souveraine plausible, voire historiquement descriptive, est lui-même devenu une chose du passé. Entre les années 1990 et aujourd’hui, trois évolutions ont privé cette interprétation de sa crédibilité.
Premièrement, le modèle post-souverain n’a en réalité pas bénéficié d’une large approbation populaire. Le traité de Maastricht lui-même n’a obtenu qu’une légitimité populaire limitée : un rejet au Danemark [9], un « oui » étroit en France [10] et une ratification parlementaire difficile au Royaume-Uni. [11] La tentative de renforcer sa légitimité par le biais du traité constitutionnel de 2005 a échoué : de nettes majorités en France et aux Pays-Bas ont rejeté la Constitution européenne proposée. [12] Enfin, avec le référendum sur le Brexit, l’électorat britannique a voté pour quitter l’Union européenne du traité de Maastricht, malgré les difficultés économiques et politiques prévisibles qu’un tel pas impliquait.
Aujourd’hui, la crainte des résultats potentiels de nouveaux référendums est si forte que la réouverture des traités est généralement écartée d’emblée. Cela illustre encore davantage le manque d’approbation populaire et de légitimité démocratique dont souffrent aujourd’hui l’Union européenne du traité de Maastricht et son idéal post-souverain.
Deuxièmement, et indépendamment de ce que souhaitent réellement les différents électorats, il est devenu difficile de déterminer les mesures politiques permettant de réaliser au mieux les objectifs fondamentaux de paix et de prospérité. Dans le contexte des années 1990, on pouvait soutenir que la renonciation aux droits souverains sur les droits de douane, les flux de capitaux, les subventions, la politique de concurrence, la politique monétaire et d’autres instruments économiques et financiers contribuerait à réaliser la souveraineté populaire, dans la mesure où elle augmenterait la prospérité et favoriserait la paix sans compromettre d’autres objectifs importants.
Cependant, compte tenu des mauvaises allocations de capitaux induites par le marché au début des années euro (Buti & Corsetti 2024), de la crise financière de 2008 (Tooze 2018), de la croissance des inégalités et de l’insécurité économiques (Piketty 2014 ; Azmanova 2020 ; Graetz & Shapiro 2020), de la déstabilisation politique des États-Unis (Levitsky & Ziblatt 2018) et de certaines parties de l’Europe (Krastev & Holmes 2020), du révisionnisme croissant du Parti communiste chinois, et, plus récemment, de l’attaque de l’Ukraine par la Russie, cet argument a perdu de sa crédibilité. Le modèle post-souverain de l’Union européenne du traité de Maastricht ne peut plus prétendre à une légitimité démocratique fondée sur ses résultats.
Troisièmement, des États clés en dehors de l’Europe ont décidé de s’éloigner des éléments fondamentaux de l’ordre international, en premier lieu la Russie, la Chine et – dans une certaine mesure – les États-Unis. Parmi ces évolutions, ils ont adopté des formes plus agressives de politique industrielle. Indépendamment des décisions futures (ou non) prises en Europe, nous ne vivons plus dans un monde de commerce pacifique, de règles fiables, de diplomatie coopérative et de relations stables. La « fin de l’histoire » est elle-même devenue une chose du passé (Fukuyama 1989 ; Hochuli et al. 2021).
Face à ces évolutions, des chefs d’État et de gouvernement, tels qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel, ont commencé à souligner la nécessité de renforcer la souveraineté externe de l’Europe et son arsenal en matière de politique industrielle. En effet, « si un système politique perd sa souveraineté externe, il ne peut pas maintenir une souveraineté interne. L’absence de souveraineté externe signifie rien de moins que la subordination du pouvoir étatique à une volonté étrangère, ce qui exclut par là même l’autodétermination » (Grimm 2015, p. 93).
- Les deux faces d’une même médaille : les souverainetés externe et interne
Le retour vers la souveraineté est justifié au regard des circonstances actuelles. Cependant, dans la mesure où il reste centré sur l’aspect externe du concept, il demeure incomplet.
La plupart des discours, articles et documents stratégiques récents sur la souveraineté et la politique industrielle se concentrent sur l’agencéité géopolitique ou sur ses prérequis matériels : les technologies (numériques), les chaînes d’approvisionnement, les matières premières ou la base industrielle de l’Europe.[13] Le noyau originel de la souveraineté politique – l’attribution claire d’un pouvoir décisionnel légitime au sein d’une entité politique – est omis (Kundnani 2020a).
Dans cette optique, un conseiller du président français déclarait en mars 2023 :
« Nous n’avons tout simplement pas la même définition de la souveraineté européenne que celle utilisée tout au long de l’histoire des idées politiques depuis (Jean) Bodin. La question de la souveraineté nationale et de la souveraineté populaire est celle de savoir qui est légitime pour décider. Cela a été réglé en 1958. La souveraineté européenne concerne la capacité d’agir, l’idée de puissance » (Bora 2023, p. 61).
Dans une première approche, cet accent partiel est compréhensible : les innovations, des chaînes d’approvisionnement robustes, des approvisionnements sécurisés en matières premières et une base industrielle solide sont tous essentiels en des temps géopolitiquement instables (Puglierin & Zerka 2022).
Politiquement, cet accent mis sur les aspects matériels et externes est également compréhensible : les gouvernements nationaux des États membres, responsables devant leurs propres électorats, ont peu d’intérêt à céder leur pouvoir décisionnel ou leur base industrielle existante. Cela est particulièrement vrai dans le contexte politique actuel, où transférer des pouvoirs à Bruxelles n’est pas nécessairement une stratégie gagnante sur le plan électoral.
Cependant, ignorer la souveraineté interne comporte des risques. Un examen plus attentif montre que la souveraineté externe et la souveraineté interne – la souveraineté comme puissance à l’étranger et la souveraineté comme autorité légitime de prise de décision au niveau national – sont les deux faces d’une même médaille. Non seulement parce que la souveraineté externe est une condition préalable à la souveraineté interne, mais aussi parce qu’un gouvernement clair et légitime sur le plan interne est une condition préalable à la souveraineté externe.
Pourquoi ? La souveraineté externe repose, entre autres, sur la capacité institutionnelle, une base matérielle solide et la crédibilité. Ces trois aspects nécessitent une clarté sur la souveraineté interne.
- Une base matérielle solide pour la souveraineté externe est inutile si elle n’est pas utilisée de manière stratégique. Exploiter des fenêtres d’opportunité, répondre rapidement aux crises ou poursuivre des objectifs importants de manière cohérente dans le temps requiert une capacité institutionnelle. Celle-ci dépend de structures décisionnelles internes bien organisées et légitimes, capables de convertir la force matérielle et économique en puissance politique. Lorsque les structures de la souveraineté domestique restent floues, il est probable que des opportunités passent inaperçues ou que les décisions politiques prises de manière individuelle deviennent incohérentes et contre-productives à long terme. Un exemple marquant de ces incohérences a été la politique européenne à l’égard de l’Ukraine entre 2008 et 2022 (Krahé 2022).
- Construire la base matérielle nécessaire pour que l’Europe devienne plus souveraine exige une action étatique à une échelle différente et dans un cadre différent de celui du modèle post-souverain de l’Union européenne du traité de Maastricht : une politique industrielle verticale, une comptabilité publique plus flexible, une augmentation des dépenses de défense et une administration publique plus performante. Pour mettre en œuvre ces politiques et ainsi garantir une base matérielle adéquate pour la souveraineté externe, il est indispensable de les financer et de les légitimer. Cela nécessite une clarification et une re-légitimation des structures financières et décisionnelles en Europe.
- En plus d’une base matérielle adéquate, la crédibilité est un facteur décisif pour transformer les actions en résultats souhaités. Un gouvernement dont l’autorité politique domestique est mise en doute ne peut pas négocier des accords internationaux robustes [14]. Un ministère des Finances dont le soutien social et institutionnel (notamment celui de la banque centrale concernée) est incertain aura des difficultés à emprunter à faible coût et à grande échelle. Des forces armées qui se méfient de leur direction politique, manquent de soutien social ou souffrent d’un financement insuffisant ne peuvent pas fournir une dissuasion efficace.
Une tentative de renforcer la souveraineté externe sans prêter attention à la souveraineté interne revient à faire de l’architecture sans ingénierie : de beaux dessins, mais des structures précaires.
Clarifier où réside la souveraineté interne pourrait renforcer la politique industrielle européenne aujourd’hui.
Dans l’Union européenne de 2024, clarifier où réside la souveraineté interne offre la possibilité de renforcer la souveraineté externe. L’un des arguments les plus forts avancés par les États membres contre une clarification de souveraineté en faveur d’un modèle fédéral est que seuls les parlements nationaux représentent le peuple et doivent donc conserver leur suprématie sur toute législature fédérale (Edling 2003, p. 181). Cependant, les intérêts des populations pourraient être mieux servis par une évolution des structures de représentation.
Compte tenu du changement de paradigme proposé dans la première section de cet article, un examen approfondi des domaines spécifiques de la politique industrielle[15], cruciaux pour renforcer la souveraineté externe de l’Europe, pourrait s’avérer plus pertinent que n’importe quelle analyse fondée sur des chiffres globaux du PIB. Les pages suivantes offrent un aperçu du potentiel qu’une clarification de la souveraineté interne pourrait libérer en matière de politique industrielle.
La politique industrielle est un domaine où le flou européen en matière de souveraineté entraîne des coûts considérables. Avant la pandémie de COVID-19, la politique industrielle était pratiquement écartée, rendue quasiment impossible par le régime strict des aides d’État de l’Union européenne du traité de Maastricht, appliqué par la Direction générale de la concurrence (DG COMP). Cette forme d’intégration négative limitait la capacité des États à façonner leur économie, tout en constituant un moyen efficace de lutter contre les courses aux subventions et la sur-subvention.
Avec le retour mondial de la politique industrielle, cette restriction stricte a été perçue comme de plus en plus problématique pour la souveraineté technologique et industrielle de l’Europe (voir par exemple Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz & Ministère de l’Économie et des Finances 2019). Depuis le premier Projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) sur la microélectronique en 2018, les règles relatives aux aides d’État ont été progressivement assouplies, d’abord exclusivement dans le cadre des PIIEC, dans lesquels près de 33 milliards d’euros de subventions ont été autorisés à ce jour (Commission européenne 2024, p. 4).
À partir de 2022, le cadre temporaire de crise, prolongé et modifié en mars 2023 pour devenir le Temporary Crisis and Transition Framework (TCTF), a permis des subventions nationales en réponse à la crise énergétique et pour soutenir les transformations verte et numérique. En conséquence, plus de 760 milliards d’euros d’aides d’État ont été approuvés en mars 2024 (Commission européenne 2024, p. 4), bien que les montant effectivement versé restent incertains. [16]
Étant donné que la politique industrielle est désormais principalement menée au niveau des États membres, une coordination européenne plus approfondie pourrait offrir des gains d’efficacité considérables. Les disparités à travers l’Europe en matière de coûts énergétiques actuels et futurs (Steitz & Kölschbach Ortego 2023), de disponibilité de travailleurs qualifiés, d’infrastructures et de clusters industriels et de recherche existants ne sont pas prises en compte de manière optimale dans les processus décisionnels nationaux. Cependant, compte tenu du volume total des aides, du risque de subventions ponctuelles inefficaces (« flash in the pan ») et des courses aux subventions destructrices entre États membres, ce potentiel pourrait être significatif.
Exploiter ce potentiel sera difficile tant que les pouvoirs décisionnels resteront au niveau national. Les intérêts des États membres sont partagés : d’une part, il existe un intérêt commun à mener la politique industrielle la plus efficace possible, pour maximiser les résultats avec un minimum de subventions et de mesures. D’autre part, les États membres ont des intérêts divergents concernant les décisions d’investissement spécifiques : chaque État souhaite accueillir la nouvelle usine de semi-conducteurs, la fabrique de batteries ou toute autre installation industrielle sur son propre territoire.
Cette situation est compliquée par le fait que les sites les plus efficaces se trouvent souvent dans les zones centrales riches de l’Union européenne, où les travailleurs qualifiés, les infrastructures de transport bon marché et fiables, les chaînes d’approvisionnement bien établies et les grands marchés en aval sont déjà présents. Les États membres moins prospères ont donc intérêt à soutenir une politique industrielle européenne uniquement si elle est perçue comme une politique combinant industrie et cohésion. À l’inverse, les États membres plus riches peuvent avoir intérêt à plaider pour une politique industrielle européenne dissociée des préoccupations de cohésion. Gérer ce conflit tout en garantissant une mise en œuvre de qualité élevée constitue un défi dans le cadre actuel des structures de décision et de financement de l’UE.
- Que faire ?
La leçon générale est claire : pour renforcer la souveraineté externe de l’Europe, le projet post-souverain de l’Union européenne du traité de Maastricht doit être remplacé par un nouveau paradigme permettant une politique industrielle plus ambitieuse au niveau européen. Une étape essentielle pour cela serait de clarifier et de réorganiser la souveraineté interne.
Fondamentalement, la souveraineté externe repose sur trois piliers : la crédibilité, la capacité d’action stratégique et un financement suffisant accompagné de la volonté politique de construire la base matérielle nécessaire. Ces trois aspects découlent ou sont fortement soutenus par des structures internes de prise de décision claires et légitimes.
Au-delà de ces fondamentaux, la clarification des structures décisionnelles internes de l’Europe offre des gains d’efficacité significatifs dans le domaine de la politique industrielle. Face à l’attaque russe contre l’Ukraine, à l’avenir incertain de l’OTAN et de l’ordre international fondé sur des règles, au virage industriel des États-Unis et de la Chine, ainsi qu’à la nécessité de décarboner rapidement le système énergétique européen tout en maîtrisant les coûts, il est essentiel de réaliser ce potentiel sans attendre.
Ceux qui débattent de la souveraineté européenne ne peuvent donc pas rester silencieux sur les réformes fiscales et institutionnelles (voir également Neumeier 2024, p. 290). Cependant, il est difficile de tirer des étapes pratiques de cette leçon générale. Une modification des traités est perçue comme risquée. On ne sait pas, au mieux, s’il existe une confiance suffisante — entre les différents États membres, entre les États membres et les institutions européennes, et entre les électeurs et les gouvernements — pour confier la politique industrielle ou fiscale à un gouvernement fédéral européen. De même, il reste très incertain qu’il existe une sphère publique européenne suffisamment développée pour soutenir et contrôler une quelconque forme d’État européen.
Entre les cultures et l’histoire, la politique étrangère et les finances, ainsi que la perception des menaces extérieures et du changement climatique, les points de vue divergent fortement entre les États membres. Dans ce contexte, que peut-on faire pour renforcer la souveraineté de l’Europe aujourd’hui, si, malgré ces défis, il est indispensable de considérer la souveraineté interne et externe ensemble ?
Une voie possible est de consolider les bases existantes. Comme expliqué plus haut, la légitimité démocratique de l’Union européenne du traité de Maastricht est devenue fragile. Dans un tel contexte, pousser pour une réforme constitutionnelle semble risqué. En l’absence de confiance mutuelle, une telle tentative pourrait fragmenter l’Union européenne au lieu de la renforcer. Dans l’environnement géopolitique actuel, cela serait fatal.
Cependant, la légitimité de l’Union européenne du traité de Maastricht n’est pas la seule à s’être affaiblie. La légitimité des institutions démocratiques nationales, qu’il s’agisse des partis politiques, des parlements ou des tribunaux, a également décliné (Niedermayer 2022). Une des causes semble être l’érosion des fondements sociologiques sur lesquels repose leur légitimité et leur fonctionnement (Putnam et al. 1993 ; Putnam 2000 ; Mair 2013 ; Kundnani 2020b ; Jäger 2023).
Renouveler ces fondements devrait être une priorité majeure, à la fois pour créer une base solide permettant de clarifier la souveraineté interne de l’Europe et pour renforcer la démocratie au sein des États membres. Cette tâche relève principalement des partis politiques, des syndicats, des Églises et d’autres organisations de masse.
Parallèlement au renouvellement de ces fondements, une réforme institutionnelle devrait être envisagée. Face aux défis qualitativement nouveaux auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui, de telles réformes sont plus envisageables qu’il y a quelques années ; elles sont d’ailleurs déjà en discussion dans les cercles politiques (Costa et al. 2023 ; Draghi 2024b). Le cadre géopolitique qui soutenait l’Union européenne du traité de Maastricht s’effrite : l’énergie en provenance de Russie, la croissance tirée par les exportations vers la Chine et la sécurité assurée par les États-Unis et l’OTAN semblent aujourd’hui fragiles (The Economist 2022 ; Foy & Arnold 2023). Même ceux qui ont construit l’Union européenne du traité de Maastricht en reconnaissent désormais les limites. Ainsi, Mario Draghi : « Notre organisation, nos processus décisionnels et notre financement sont conçus pour ‘le monde d’hier’ » (Draghi 2024a).
Étant donné que les gouvernements nationaux détiennent aujourd’hui le plus de légitimité et de pouvoir en Europe, ils devraient être les principaux acteurs d’un tel processus de réforme. Une crainte plausible est que cela n’aboutisse pas, car les gouvernements réduisent rarement volontairement leur propre pouvoir. Cependant, historiquement, les gouvernements des États membres ont cédé des éléments de leur souveraineté lorsque les avantages étaient suffisamment clairs et significatifs. Des exemples incluent le commerce, la concurrence et la politique monétaire.
Plutôt qu’un refus généralisé de réformer ou de céder du pouvoir, l’obstacle le plus important est le suivant : dans chaque domaine politique individuel, les avantages d’une intégration plus profonde sont distribués de manière inégale. Si les domaines politiques sont traités séparément, il est donc probable que des États membres clés soient incapables de rassembler des majorités nationales en faveur de la réforme.
Par exemple, aucun gouvernement français ne renoncerait à son autorité sur la politique militaire ou énergétique de la France, à moins qu’il n’y ait des avantages très significatifs pour la France à la clé. De même, aucun gouvernement allemand n’accepterait une union fiscale, dans laquelle il est assuré d’être un contributeur majeur, sans avantages compensatoires dans d’autres domaines politiques. Les États membres plus petits et moins riches s’opposeraient à une politique industrielle européenne uniquement axée sur l’efficacité, si cela concentrait les investissements dans le cœur de l’Europe occidentale. À l’inverse, les États membres plus grands et plus riches résisteraient à une politique visant également à la cohésion, si cela orientait les investissements vers la périphérie.
Dans ce contexte, des négociations transparentes fondées sur le compromis (transparent horse-trading) pourraient contribuer à élaborer un ensemble global que chaque État membre accepterait par intérêt propre. Cette approche est connue des gouvernements et des experts. Cependant, plus les dossiers politiques sur la table sont lourds et plus l’ensemble global est complexe, plus il est difficile de parvenir à un tel accord. Des difficultés supplémentaires surgissent lorsque la confiance mutuelle est faible : des propositions complexes peuvent facilement susciter des soupçons de mauvaise foi.
Pour tenter de mener à des compromis, il serait crucial de se concentrer sur des domaines politiques dans lesquels les préférences des États membres sont relativement stables. Sinon, il existe un risque que, face à des préférences évolutives, les tentatives de formuler un ensemble politiquement faisable soient dépassées par les événements. Les domaines où les préférences sont vraisemblablement stables incluent ceux où la haute fonction publique joue un rôle plus important, tels que l’énergie ou la défense.
Il serait également essentiel de distinguer entre les domaines politiques où une nouvelle répartition des compétences est envisageable, si elle génère des avantages matériels clairs, et ceux où cela est inconcevable dans un avenir proche. Les premiers pourraient inclure l’infrastructure énergétique, les achats militaires et certaines parties délimitées de la politique fiscale. Les seconds incluraient probablement tout transfert de commandement militaire ou de compétences fiscales illimitées au niveau européen.
Un troisième élément important consisterait à identifier, parmi l’ensemble des compromis possibles, ceux qui ne sont pas seulement avantageux pour les États membres individuellement, mais qui incluent également un transfert des pouvoirs décisionnels dans des domaines stratégiquement importants vers un décideur légitime et clairement défini. Ce n’est qu’ainsi que la souveraineté interne de l’Europe pourra être clarifiée, renforçant ainsi sa souveraineté externe.
Un avantage d’une approche transparente basée sur le compromis réside dans la possibilité de créer une dépendance positive au chemin emprunté (path dependence) : non seulement elle permettrait d’obtenir de meilleurs résultats grâce à une répartition plus efficace des compétences, mais discuter des réformes en termes de bénéfices matériels pour chaque État membre pourrait également favoriser une ouverture et une honnêteté qui sont parfois difficiles à atteindre lorsque des justifications sont attendues sous l’angle des avantages communs. Paradoxalement, un égoïsme accru des États membres pourrait conduire à davantage de confiance.
Dans une conception éclairée et à long terme de l’intérêt propre, l’idée centrale pourrait être celle d’une union de souveraineté, où les compétences et les pouvoirs fiscaux seraient étroitement adaptés pour permettre la fourniture de biens publics essentiels. Cette vision se distinguerait de celle de l’Union européenne du traité de Maastricht, centrée sur le marché unique et la poursuite d’une post-souveraineté, ainsi que du modèle d’une union de transferts, axée sur une meilleure gestion macroéconomique et la redistribution au sein de l’UE, qui a échoué en tant que tentative de remplacement de l’Union de Maastricht dans les années 2010.
Des négociations orientées vers une union de souveraineté – limitée aux biens publics et autrement caractérisée par un fédéralisme décentralisé – constitueraient une avancée vers une forme d’État européen. Cette idée est controversée, mais s’aligne avec certains schémas plus profonds de développement historique :
D’une part, l’émergence d’un nouveau demos suit souvent le développement d’une nouvelle forme d’État, au lieu de le précéder (Weber 1976 ; Gellner 1983). D’un point de vue historique, il serait donc inhabituel de retarder le projet d’une union de souveraineté jusqu’à ce qu’une véritable sphère publique paneuropéenne se soit formée.
D’autre part, Alesina & Spolaore (2005) ont montré que, sur le long terme, la taille territoriale des États est déterminée par un équilibre entre les avantages et les inconvénients de leur dimension. Un inconvénient des grands États est la difficulté à refléter l’hétérogénéité des cultures, des langues et des préférences inhérentes à toute grande population, ce qui rend plus complexe le règlement pacifique des conflits internes. En revanche, un avantage des grands États réside dans leur capacité à fournir des biens publics, notamment la défense, à un coût par habitant plus faible, ainsi que, grâce à un marché intérieur plus vaste, à protéger leurs citoyens de manière plus efficace contre la volatilité économique mondiale. En période de paix, lorsque les échanges commerciaux se déroulent librement et de manière fiable au-delà des frontières, et lorsque la défense est largement secondaire, la taille géographique des États tend à diminuer, car de nouveaux États sont créés. En revanche, lorsque les temps deviennent plus incertains, que les barrières commerciales augmentent et que le risque de guerre semble plus élevé, la tendance s’inverse : les États tendent à fusionner, volontairement ou non, et leur taille territoriale moyenne augmente.
Alors que nous entrons dans un nouveau moment historique, cet équilibre évolue. Les grands États redeviennent nécessaires.
Max Krahé
Image : Giotto Di Bondone, Détail de la fresque des parois de la Chapelle des Scrovegni, c.1305
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Notes
[1] “La refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique”, discours à la Sorbonne, Sept 26, 2017 (Élysee 2017).
[2] « L’heure de la souveraineté européenne », discours sur l’état de l’Union européenne, 12 septembre 2018. Dans ce discours, il a explicitement exhorté : « L’Europe doit devenir un acteur plus souverain dans les relations internationales » (Juncker 2018, p. 3).
[3] Par exemple : « L’Union européenne renforcera sa souveraineté stratégique et rendra sa base économique, industrielle et technologique adaptée aux transitions verte et numérique » (Conseil européen 2023, p. 5).
[4] Atteindre la souveraineté technologique dans certains domaines technologiques critiques, atténuer les dépendances stratégiques dans d’autres et réduire la vulnérabilité de nos chaînes de valeur sont des éléments essentiels si nous voulons relever les défis d’un monde plus dangereux et être plus résilients » (Conseil européen 2022, p. 30).
[5] La préface de « Politique industrielle en des temps changeants » (BMWK 2023) évoque la « souveraineté stratégique » (p. 4). Le thème de la souveraineté est souligné à plusieurs reprises dans le texte principal : « La souveraineté stratégique de l’Europe dépend largement de nos efforts en Allemagne pour garantir que nous disposions de capacités de fabrication européennes pour les semi-conducteurs » (p. 24 ; voir aussi p. 34, 42 ou 47).
[6] Il s’agit d’un concept politique de la souveraineté. Le concept juridique de la souveraineté, en revanche, a un contenu légèrement différent, à savoir « le droit d’une unité politique à l’autodétermination concernant sa forme d’existence, son ordre interne, son orientation politique, ses relations avec d’autres unités politiques », et ainsi de suite (Grimm 2022).
[7] Cette situation est décrite comme un « nouveau constitutionnalisme » (Gill 1998, p. 199 ; Hirschl 2009 ; Gill & Cutler 2014). L’ordre juridique de l’UE en est l’exemple le plus avancé ; d’autres exemples incluent l’Organisation mondiale du commerce et le réseau d’accords commerciaux et d’investissement qui lient les États signataires à un ensemble de règles qu’ils ne peuvent plus modifier unilatéralement.
[8] « L’intégration négative consiste à éliminer les droits de douane, les restrictions quantitatives et qualitatives au libre-échange ainsi que les obstacles à la libre concurrence. L’intégration positive, en revanche, concerne l’exercice des pouvoirs de politique économique et de régulation au niveau de l’unité économique plus large » (Scharpf 1999, p. 49).
[9] Au Danemark, 50,7 % des votants se sont prononcés contre l’adoption du traité le 2 juin 1992. Le taux de participation s’élevait à 83,1 %.
[10] Lors du référendum français sur Maastricht, le 20 septembre 1992, 51,05 % des votants se sont prononcés en faveur de la ratification du traité de Maastricht. Le taux de participation était de 69,7 %. Ce résultat était encore plus serré que celui du référendum britannique sur le Brexit, où 51,9 % des votants se sont prononcés en faveur de la sortie de l’UE, avec un taux de participation de 72,2 %.
[11] En raison des précédentes défaites parlementaires infligées par les députés conservateurs eurosceptiques, le gouvernement conservateur du Premier ministre John Major a dû lier le vote sur le traité de Maastricht à un vote de confiance.
[12] En France, 54,7 % des votants se sont prononcés contre le traité établissant une Constitution pour l’Europe le 29 mai 2005, avec un taux de participation de 69,4 %. Aux Pays-Bas, 61,5 % ont voté « non » le 1ᵉʳ juin 2005, avec un taux de participation de 63,3 %.
[13] Une exception notable est le rapport Sailing on High Seas (Costa et al. 2023), qui combine géopolitique, souveraineté externe et réformes internes.
[14] Un exemple frappant de cela est l’Accord global sur les investissements entre l’Union européenne et la Chine. Négocié par Angela Merkel et Emmanuel Macron, il n’a toujours pas été ratifié en raison de résistances politiques internes en Europe. Cet échec réduit la crédibilité des chefs de gouvernement allemand et français en tant que négociateurs face à la Chine.
[15] Pour une analyse des secteurs de la finance, de l’énergie et de la défense, voir Krahé (2024).
[16] Dans son discours sur l’état de l’Union européenne en septembre 2022, la présidente von der Leyen a présenté un fonds de souveraineté de grande ampleur (von der Leyen 2022), en réponse à l’Inflation Reduction Act des États-Unis. Cette idée a ensuite été réduite à ce que l’on appelle la « Plateforme pour les technologies stratégiques en Europe » (STEP), avec un volume financier prévu de 10 milliards d’euros (Bourgery-Gonse 2023), avant que l’accord final ne ramène ce montant à 1,5 milliard d’euros exclusivement dédié à des projets de défense (Simon 2024).
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