Written by 15h55 Tribuns

Soirée du Lierre : pour une transformation durable de l’action publique

Le 27 mai dernier avait lieu la soirée de lancement du premier livre du Lierre, réseau écologiste de professionnels de l’action publique. L’ouvrage vise à interroger et rendre possible la transformation écologique des politiques publiques. Deux panels d’experts ont rythmé cette soirée sous forme d’appel à l’action pour une transformation durable de nos systèmes économiques et politiques.

Nous avons assisté à la soirée de lancement du premier livre du Lierre, le réseau de professionnels de l’action publique engagés en faveur de l’écologie. Cet ouvrage, intitulé Décider et agir, l’action publique face à l’urgence écologique et paru le 28 mai dernier, rassemble des contributions de membres issus de l’administration publique, de la recherche et de la société civile. Ils y interrogent les limites de l’action publique face aux défis environnementaux, et proposent des pistes pour transformer nos systèmes économiques et politiques afin d’atteindre nos objectifs de décarbonation. Deux panels d’experts ayant participé à la rédaction de l’ouvrage étaient présents pour partager leurs réflexions.

La nécessaire transformation écologique de l’action publique

La décarbonation de nos sociétés rencontre de nombreux freins : une méconnaissance des enjeux et des possibles solutions, une inertie politique, un manque de coordination entre acteurs et entre les différentes échelles de gouvernance. De plus, la transition implique d’arbitrer entre différents intérêts économiques, et de définir des priorités dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes. Face à ces défis, Selma Mahfouz a rappelé le rôle central des pouvoirs publics pour organiser la transition. Une action publique ambitieuse est en effet essentielle pour donner un cap stable, et coordonner les acteurs à toutes les échelles.

Par ailleurs, nombre de citoyens ont aujourd’hui un rapport négatif à la transition : elle est perçue comme menant à une diminution du bien-être, ce qui affecte considérablement son acceptabilité. Les intervenants ont plusieurs fois souligné que la transition ne se fera pas sans une modification profonde des récits, allant de pair avec une transformation de notre rapport à la nature et au progrès. Les pouvoirs publics auront ainsi la responsabilité d’impulser cette transformation des valeurs et des comportements individuels.

Vie et mort de la planification écologique ?

La planification comme mode d’action publique avait été remise au goût du jour par la nécessité d’opérer une transformation durable de nos systèmes économiques et politiques. Selon Hélène Garner, l’ampleur de la transformation économique à engager, autant que la nécessité de réinventer la notion de progrès, justifiaient ce parallèle avec la période de reconstruction d’après-guerre. Toutefois, les pouvoirs publics doivent aujourd’hui opérer dans un contexte contraint par des exigences environnementales, alors que les ressources étaient considérées comme illimitées à cette époque.

Avec la création du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) en 2022, la tenue des COP régionales de la planification écologique et la publication du rapport Pisani-Ferry et Mahfouz, plusieurs jalons avaient été posés en faveur d’une coopération accrue entre acteurs de la transition. Frédéric Glanois, ancien secrétaire général adjoint à la planification écologique, était ainsi présent pour rappeler quatre enseignements tirés de l’expérience du SGPE :

  1. Il est aujourd’hui techniquement possible de calculer des trajectoires de décarbonation, de modéliser leur financement, et d’attribuer des objectifs de décarbonation adéquats aux acteurs impliqués ;
  2. Le décloisonnement et la transversalité des politiques de décarbonation sont également possibles ;
  3. La transition demande cependant une importante volonté politique ;
  4. La planification écologique implique de mener une politique stable sur le long terme, pour donner le temps à la mise en œuvre et à l’évaluation.

Or, c’est bien un manque de volonté politique, ainsi qu’une certaine vision court-termiste des réformes à mener, qui semblent s’être récemment imposés dans les sphères décisionnelles. En effet, l’attention des pouvoirs publics paraît s’être davantage portée sur d’autres enjeux crise géopolitique, consolidation budgétaire , jugés prioritaires. Le SGPE, de son côté, peine toujours à imposer sa stratégie et influer sur les politiques publiques. Malgré ces difficultés, les intervenants ont tracé plusieurs pistes pour faire évoluer l’action publique dans un contexte contraint.

Impliquer les acteurs à toutes les échelles

La refonte de l’action publique devra se faire autour de trois critères, identifiés par Hélène Garner : celle-ci devra être (i) multidimensionnelle, (ii) durable et (iii) légitime. Elle suppose donc de mobiliser l’ensemble des acteurs et des leviers d’action, et les inclure à un processus de co-construction des politiques de transition. Toutefois, selon Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, les travailleurs sont encore trop peu associés aux décisions qui les concernent, alors que la transition aura un impact majeur sur le monde du travail. De son côté, Nadège Guiraud a présenté les résultats d’une enquête sur les politiques de sobriété énergétique menées dans plusieurs collectivités territoriales. Elle a mis en lumière la faible implication des usagers et des élus dans les prises de décision.

Pour Selma Mahfouz, la transition ne pourra réussir que si chaque acteur « prend sa part » à son niveau, selon sa capacité d’action et ses responsabilités. L’Union européenne a déjà permis de poser un cadre aux exigences de décarbonation. Celui-ci devra être décliné aux échelles nationale et infrarégionale de façon concertée ; de telle sorte à en répartir la charge entre les acteurs, tout en réduisant les risques et en respectant les valeurs démocratiques. C’est précisément dans cette perspective que l’Institut Avant-garde souhaite poursuivre ses travaux.

Juliette de Pierrebourg

(Visited 55 times, 1 visits today)
Close